Portrait Eric Fraj "en quelques mots"

Le peuple arménien commémore aujourd’hui, 24 avril 2020, le 105ème anniversaire du génocide qui a décimé la moitié de sa population. Dès 1915, la France nomme le génocide – perpétré par les Turcs – pour ce qu’il est : un crime contre l’humanité, contre la civilisation. En 2001, à l’issue d’un long combat, elle le reconnaît dans la loi[1] et, depuis février 2019, fait du 24 avril une journée nationale de commémoration du génocide arménien. Parce qu’un crime contre l’humanité nous concerne toutes et tous, parce que l’histoire des Arméniens d’ici est aussi notre histoire, parce que ce génocide est une part de notre mémoire. Pour tout cela, il est normal qu’il soit commémoré par la République française[2].

Le samedi 24 avril 1915, à Constantinople, capitale de l’Empire ottoman, 600 notables arméniens sont assassinés sur ordre du gouvernement. C’est le début d’un génocide – qui vise aussi des Grecs et des Assyriens – le premier du XXème siècle. D’avril 1915 à juillet 1916, les deux tiers des Arméniens vivant sur le territoire turc périrent au cours d’une extermination planifiée. Elle s’effectue par l’assassinat massif, les viols, les mutilations, la faim et la soif, la noyade, les « marches de la mort ». Elle touche environ entre 1,2 et 1,5 million de victimes dans la population arménienne de l’empire turc (ainsi que plus de 250 000 dans la minorité assyro-chaldéenne des provinces orientales et 350 000 chez les Pontiques, orthodoxes hellénophones de la province du Pont). Voici le texte d’un télégramme transmis par un ministre à la direction des Jeunes-Turcs de la préfecture d’Alep : « Le gouvernement a décidé de détruire tous les Arméniens résidant en Turquie. Il faut mettre fin à leur existence, aussi criminelles que soient les mesures à prendre. Il ne faut tenir compte ni de l’âge, ni du sexe. Les scrupules de conscience n’ont pas leur place ici [3] ».

Seules vont subsister les communautés arméniennes de Smyrne, d’Istamboul et du Proche-Orient, trop en vue des diplomates occidentaux, ainsi que les communautés assyro-chaldéennes de Mésopotamie, trop éloignées…

105 ans après, la Turquie – celle du palais comme celle des rues – reste dans le déni. Depuis une dizaine d’années, cependant, quelques voix amoureuses de la vérité, et ô combien courageuses, s’y font entendre. Sauront-elles percer le mur d’un mensonge d’État, d’un nationalisme négationniste, d’une bêtise désespérée ?

« A chaque fois que le soleil tape, la résine goutte

Oh, la rivière d’Adana est pleine de cadavres et de sang

Voilà, je suis venu à toi Adana tuée,

Oh voilà, j’ai vu les enfants massacrés… »

Éric Fraj, 24 avril 2020


[1] La loi française du 29 janvier 2001 relative à la reconnaissance du génocide arménien de 1915, a été adoptée par le Sénat en première lecture le 7 novembre 2000 et par l’Assemblée nationale le 18 janvier 2001. Elle contient un article unique : « La France reconnaît publiquement le génocide arménien de 1915. »

[2] Laquelle s’honorerait, d’ailleurs, à reconnaître les exactions, massacres et forfaitures qui jalonnent son histoire, notamment coloniale.

[3] Cité par la revue Hérodote, document non daté.

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